Concerto pour orchestre
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"Je voulais donner la parole à chacun" nous confiait Michèle Reverdy. Et d'écrire ce Concerto, qui en est un, destiné à des solistes ou à des ensembles de solistes. L'entière structure de l'œuvre s'organise autour de cette idée: des séquences en quinconce (un peu comme dans son opéra Le Précepteur d'après Jakob Lenz) s'installent, simples d'abord, puis en concomittance, se développent, évoluent vers leur conjugaison, tout en tramant - dans les deux sens de ce mot - une complexité de plus en plus dense. Le tout déterminé par des rapports mathématiques: Michèle Reverdy ne joue pas aux dés. Néanmoins, elle voulut "rêver cette œuvre". Alors qu'elle appontait sur la pièce à faire, elle observait les ready-made de Duchamp: ce narcissisme la lassait. Et elle écrivait, le 9 septembre 1993, dans son journal: "il faut, maintenant que j'ai mis en place tous mes matériaux, comme des cartes à jouer, que je rêve cette œuvre. Le scénario inventé hier, qui procède par accumulation des objets jusqu'à un tutti final, est le plus élémentaire possible. Il faut donc trouver des itinéraires plus subtils et peut-être, comme je le pense de plus en plus souvent, se laisser aller davantage à l'intuition. Trouver l'équilibre entre le travail des combinatoires et la liberté de l'expression musicale. Comme les bons comédiens: donner l'illusion du naturel alors que tout n'est qu'art."
D'où la recherche d'un équilibre entre l'aridité des écritures et des combinatoires (celles qu'on recouvre) et la liberté de l'expression musicale (celle qu'on découvre). Entre les deux, brasille un espace d'une blancheur compacte, un scintillement.
Cette clarté, qui déchire la compositrice, c'est l'œuvre.
Jean Noël von der Weid