La Nuit qui suivit notre dernier dîner
monodrame
:
le poème :
J'ai fixé chaque morceau de toi qui m'échappait, dans la porte ouverte.
J'ai compté tes pas à peine audibles dans l'escalier.
Très vite, j'ai traversé l'entrée et refermé la porte avec mon dos, face à notre dernière table,
après l'obscurité du couloir.
Sans bouger, j'ai détourné la tête, encore debout, écrasé mon oreille contre le bois jusqu'à ne plus t'entendre. Il me restait mon sang, battant entre la porte et ma tempe.
Je me suis accroupie, sans quitter la porte. C'était encore l'endroit où j'étais le plus près de toi.
Et je me suis sentie plus tranquille, pour longtemps.
Ailleurs, j'aurais du mal à survivre.
Le filet lumineux, sous la porte, allait disparaître, avec lui la certitude que tu t'éloignais brutalement.
Le froid encerclait mes reins, mes chevilles.
J'ai le regard sous la nappe, à nos pieds, où ils ont joué souvent, avant de s'ignorer. De les voir vraiment, ils se sont dédoublés, puis effacés sous mes paupières, comme une protection.
François est venu me relever.
J'avais du mal à bouger.
J'ai souri à son étreinte, à la tienne.
Il m'a assise à table, sans un mot.
J'ai laissé glisser ma main vers ton couvert, cherchant la tienne, avec facilité.
Je me suis ressaisie, évitant ton contact, par respect.
Nos bouches échangeaient encore quelques secrets, pour moi seule et calme.
Je me suis endormie...
Sur mon lit, je me suis réveillée.
François, à côté de moi, étendu sur le ventre, m'oubliait dans un profond sommeil.
Ton fils dort comme toi.
Il a la même masse, la même quiétude, un bras nonchalamment tendu dans ma direction.