Cante Jondo
voix de femme et 7 instruments
:
J'avais composé cette œuvre en 1974, alors que j'étais encore étudiante dans la classe d'Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris sur la traduction française des poèmes de Lorca.
En 1979 j'ai obtenu la bourse de la Casa de Velazquez qui m'a permis de vivre deux ans en Espagne, à Malaga. J'en ai profité pour étudier la langue espagnole et j'ai remanié cette œuvre afin d'utiliser le texte original de Lorca.
J'ai d'abord été séduite par ces grands poèmes de la solitude.
Le thème des trois poèmes que j'ai choisis est celui du cri : cri d'angoisse, de révolte, de désespoir devant l'incommunicabilité inhérente à la condition humaine.
Ce cri parcourt les trois séquences de l'œuvre.
La première séquence commente tout simplement le premier poème. Elle doit son unité à un mode de hauteurs.
La séquence centrale, plus importante, est un commentaire des mots clés du second poème. Ces mots ont entre eux certaines correspondances qui s'imbriquent les unes dans les autres :
le poignard, le soc, le rais de soleil d'une part, le cœur, le désert et les terribles profondeurs d'autre part, et évidemment, des correspondances au second degré entre le poignard et le cœur, le soc et le cœur etc...
J'ai donc structuré la pièce d'après ces correspondances.
La voix ne dit pas le poème, elle agit comme une mémoire en énonçant les mots clés.
La troisième séquence est construite comme un rondo dans lequel le refrain s'enrichit d'un nouveau formant à chaque retour.
Le Cante Jondo est le flamenco gitano.
Présentant quelques parentés mélodiques avec la musique arabe populaire du 10ème au 15ème siècle, il est comme elle transmis par tradition orale.
C'est une forme restée intacte en Andalousie, région dont Lorca était originaire.
Poema del Cante Jondo
El Grito
La elipse de un grito,
Va de monte
A monte
Desde los olivos
Será un arco iris negro
Sobre la noche azul
Ay!
Como un arco de viola
El grito ha hecho vibrar
Largas cuerdas del viento
Ay!
(Las gentes de las cuevas
asoman sus velones)
Ay!
Puňal
El puňal
Entra en el corazón
Como la reja del arado
En el yermo
No.
No me lo claves.
No.
El puňal
Como un rayo de sol,
Incendia las terribles
Hondonadas.
No.
No me lo claves
No.
Ay!
El grito deja en el viento
Una sombra de ciprès.
(Dejadme en este campo
llorando.)
Todo se ha roto en el mundo.
No queda más que el silencio.
(Dejadme en este campo
llorando)
El horizonte sin luz
Está mordido de hogueras.
(Ya os he dicho que me dejeis
en este campo
llorando